Chapitre 40
La terreur de Matthieu
Tatiana accepta l’aide de Paul, mais demanda aux deux adolescents de quitter le chevet du blessé. Alexanne protesta, mais Matthieu finit par la pousser dans le couloir. Constatant que ses vêtements étaient couverts de sang, l’adolescente alla se changer. Fatigué et dépassé par les événements, Matthieu laissa glisser son dos contre le mur, jusqu’à ce qu’il se retrouve assis sur le plancher, à côté de la porte de la chambre de la jeune fille. Il ferma les yeux et tenta de démêler ses émotions. Aimait-il Alexanne au point de vivre ce genre de drame jusqu’à la fin de sa vie ? S’il ne connaissait rien au paranormal, il se doutait bien que la métamorphose spontanée d’un homme en loup ne se réglait pas en claquant des doigts… Des larmes de découragement coulèrent sur ses joues.
Alexanne s’assit alors près de lui et prit sa main.
— Matthieu, je suis vraiment désolée. Si tu ne veux plus jamais me revoir, je comprendrai.
— Il est trop tard pour ça, murmura le jeune homme. Je ne pourrai plus jamais me passer de toi, mais j’ai beaucoup de difficulté à comprendre ce qui s’est passé ce soir.
— Notre idée était bonne, mais le curé a paniqué au lieu de m’aider. Il m’a dit que les loups-garous et les vampires n’existaient pas et il a essayé de me protéger contre mon oncle au lieu de l’exorciser. En voyant le prêtre s’emparer de moi, dans l’église, Alexei est devenu fou de rage.
— Dis-moi qu’il n’y a pas de vampires dans ta famille, paniqua-t-il.
— Je ne connais pas encore très bien ma famille, mais elle est surtout composée de fées et ce sont des filles, pour la plupart.
— Mais les garçons ne peuvent pas être des fées.
— Matthieu, ne sois pas sexiste !
Alexanne se rappela alors qu’elle avait abandonné ses affaires dans l’église.
— Oh non ! J’ai oublié mon cahier d’anges au village !
— C’est celui qui s’allume et qui s’éteint tout seul ?
— Oui… comment le sais-tu ?
— Je l’avais sur les genoux quand il s’est illuminé de l’intérieur. C’est en regardant dedans qu’on a su que vous étiez au lac du père Collin.
— Les anges vous l’ont écrit ?
— Les anges ? répéta Matthieu. Ce n’est pas toi qui as fait ce dessin ?
Elle couvrit son visage de baisers, et même s’il adorait cette attention, il l’arrêta pour obtenir davantage d’explications sur le mystérieux album.
— Qu’est-ce que les anges ont à voir là-dedans ? insista-t-il.
— Si tu me dis où se trouve mon cahier, je vais te le montrer.
— Il est dans la camionnette.
Alexanne prit sa main et l’entraîna dans l’escalier. Ils retirèrent les affaires de l’adolescente du véhicule et s’installèrent au salon. Elle contempla un long moment le dernier dessin sous sa requête.
— Un cahier d’anges, c’est une façon de communiquer avec eux. On leur écrit, et ils nous répondent comme ils l’entendent.
— Les anges savent dessiner ? se troubla Matthieu.
— C’est bien ce qu’il semble, et ils savent écrire aussi, mais ça ne leur prend pas autant de temps que nous. Chez eux, c’est instantané. Le cahier s’illumine et c’est fait.
Alexanne glissa le bout de l’index sur les yeux brillants du loup dessiné sous le quai. Elle revint quelques pages en arrière et découvrit une inscription récente sous la lettre qu’elle avait écrite dans l’église.
— Regarde, Matthieu, c’est un nouveau message !
Il y a des gens qui représentent véritablement Dieu sur la Terre et d’autres qui prétendent le faire, mais qui n’ont pas la foi. Ta demande nous apparaît bien fondée, mais tu ne t’adresses pas à la bonne personne.
— Et c’est maintenant que vous me le dites ! se fâcha-t-elle.
— Sont-ils en train de te dire que le curé Brisson n’avait pas suffisamment la foi pour aider Alexei ? Allons-nous devoir trouver un autre curé pour l’exorciser ?
— Je me moque du temps que ça me prendra pour trouver la bonne personne. Je ne laisserai pas mon oncle souffrir ainsi jusqu’à sa mort.
— Moi, tout ce que je demande, c’est qu’il arrête de me terroriser.
Paul apparut alors à la porte du salon et posa un regard aimable sur les adolescents.
— Matthieu, viens. On s’en va.
— Peut-on laisser Alexanne et sa tante seule avec le…
Il s’arrêta juste avant de traiter Alexei de loup-garou.
— Le danger est passé, affirma Paul.
— Comment se porte mon oncle ? demanda Alexanne, inquiète.
— Il a perdu beaucoup de sang, mais il va s’en tirer.
Matthieu se leva docilement. Alexanne déposa le cahier d’anges sur la table à café et le suivit jusqu’à la porte. Elle retira le téléphone cellulaire de la poche de sa veste et le tendit à Paul en le remerciant. Elle embrassa ensuite Matthieu sur les lèvres, pendant que son père se dirigeait vers la camionnette.
— Un chevalier et une fée, s’émut Alexanne.
Matthieu lui sourit avec reconnaissance, malgré la confusion qui régnait toujours dans son esprit, et lui donna un dernier baiser.
— Je t’appellerai demain pour prendre des nouvelles de ton oncle, déclara-t-il. Essayez de le garder chez vous, d’accord ?
En réprimant un sourire, Alexanne le poussa dehors et attendit que la camionnette disparaisse au bout de l’entrée avant de rentrer. Elle referma la porte et grimpa à la chambre d’amis, dans laquelle elle entra prudemment.